Non, ce n’est pas la vitesse qui tue

Chaque 15 mars, j’étouffe, je rase les murs, j’attends avec impatience que la journée s’achève, avec appréhension, pourtant je ne suis pas superstitieuse.

Le 15 mars 1993 aurait dû être le dernier jour de ma vie. J’avais alors 13 ans. Cette année, je fête donc 25 ans de rab…

C’était un lundi matin ordinaire où l’on se rendait au collège. On démarrait bien la semaine avec un cours de sport de 2h, l’angoisse, moi qui n’ai jamais été du matin, c’était plutôt une torture. Comme chaque jour, on récupérait les jumelles voisines à quelques rues de chez nous avant d’emprunter les petites routes de campagne.
Ce matin-là, nous aurions dû être 5 dans la voiture car une amie des filles devaient passer le WE chez elles. Si une vilaine grippe n’avait pas eu raison d’elle, je ne serai plus là pour vous parler, car j’aurais été assise à la place du mort (qui porte bien son nom).

A peine sortis du village, alors que nous empruntions une petite nationale sinueuse munie de larges fossés, sous un crachin hivernal pas vraiment habituel dans mon sud, un fada roulant en Renaut 5 (avec un autocollant « bébé à bord ») a décidé de prendre l’initiative de doubler 3 voitures en pleins virages, sans visibilité, avec une chaussée glissante.

Nous arrivions en face à ce moment là…

Nous devons notre survie à deux éléments :
1. mon père possédait une grosse berline ayant une carrosserie très solide et un moteur prévu pour basculer sous l’habitacle en cas de choc violent pour éviter de blesser les passagers à l’avant, car il passait sa vie sur les routes (effectuant plus de 100 000km/an)
2. son expérience de la conduite lui a permis de comprendre plusieurs secondes avant l’impact que celui-ci serait inévitable et il nous a prévenu.

 

Auteur : Arex Socha

 

Je crois qu’il a juste eu le temps de nous dire : « tenez-vous bien les filles, ça va frapper« … et puis la violence du choc, le vacarme de la tôle froissée, broyée, ce bruit que je n’oublierais jamais…
Le fou a touché la dernière voiture qu’il était en train de doubler, il l’a faite sortir de la route avec une telle violence qu’elle a effectué un tonneau en l’air au dessus de nous (sans nous toucher, un miracle) et s’est crashée sur le bas-côté dans le fossé. Il est, quant à lui, venu s’encastrer frontalement à pleine vitesse dans notre véhicule. Au lieu de freiner, il a accéléré jusqu’au bout en pensant que ça allait passer… Il faut savoir que lors d’un accident frontal, celui qui encaisse la violence du choc est celui des deux qui roule le moins vite. Mon père a pris la lourde décision de freiner, sachant que ça allait sauver la vie de l’inconscient car son véhicule ne lui aurait pas permis de résister à l’impact.
Ce fut une décision lourde de sens, qui aurait pu avoir de tragiques conséquences pour nous, il l’a prise en quelques secondes fugaces.

Nous étions 3 sur la banquette arrière. Aucune de nous n’avait la ceinture de sécurité (pas encore obligatoire). Mon père non plus. Il s’est agrippé de toutes ses forces au volant et n’a pas touché l’habitacle (mais il n’a pas non plus était capable de tenir un stylo durant plusieurs jours). Une des filles a juste tapé le front dans une vitre, l’autre s’est cognée le nez dans son cartable qui lui a sauvé la vie en se bloquant entre les deux accoudoirs, faisant office d’airbag. Quant à moi, j’ai tapé tellement fort dans le siège en cuir de la place avant alors vide qu’il a rompu et s’est sectionné en deux. Si j’avais été assise dedans comme prévu, j’aurais été broyée par la violence de l’impact… La voiture était un tel amas de tôle froissée que les seuls éléments que nous avons pu récupérer était un bout du capot arrière et l’antenne du toit. Nous sommes restés coincés un bon moment. Heureusement, nous avions un téléphone fixe dans la voiture (très rare à l’époque) et nous avons pu appeler les secours de suite. Nous avons été des miraculés d’après les pompiers. En arrivant de loin, ils s’étaient préparés psychologiquement à ne sortir que des cadavres…

Au final, seul le responsable de l’accident a été très grièvement blessé. On n’a jamais su s’il s’en était sorti, ou pas, mais je crois que l’on n’avait pas envie de le savoir. Il a failli tuer 5 personnes, il ne s’est jamais excusé, il a juste dit aux policiers qu’il était en retard au travail…

Comment est-il possible de prendre de telles décisions inconscientes pour un motif aussi illégitime? Je ne comprends pas.

 

Alors lorsque je vois le matraquage médiatique du gouvernement nous annonçant qu’une limitation de vitesse à 80km/h sauvera des vies, j’ai l’impression qu’on veut me faire une lobotomie du cerveau!!! C’est clairement une mesure pour racketter les automobilistes. Non, la vitesse excessive ne tue pas sur les routes en France, mais la prise de risque inconsidérée oui! Se saouler, fumer de l’herbe, snaper au volant, doubler n’importe où, griller un feu, un stop, c’est jouer à la roulette russe avec la vie des autres en plus de la sienne!!! Attention, je ne parle pas des fous abordant un village à 120 au lieu de 50, non, bien entendu, mais en quoi même rouler à 100/110 sur une route limitée à 90 est-il dangereux si on adapte sa conduite à la situation?

J’ai passé tellement de temps sur les routes, les autoroutes, j’ai parcouru tellement de km. D’abord avec mon père lorsque j’étais jeune. Nous allions presque chaque semaine à Lyon, Toulon, Nice, Montpellier, Bézier, Carcassone, Toulouse, Albi, ou Nancy. Puis, j’ai eu mon permis de conduire, je n’ai cessé de rouler presque chaque jour. Des comportements à risque, j’en ai vu tellement! Des occasions manqués de mourir, j’en ai eu d’autres, à chaque fois parce que des automobilistes n’ont pas respecté le code de la route. Je conduis en regardant à 360 degrés ce qu’il se passe autour de moi. Des accrochages, j’en ai eu plusieurs, j’ai su les anticiper pour limiter les dégâts à du matériel. Je n’étais responsable d’aucun. Mon père m’a bien enseigné la conduite, pas de manière scolaire, mais la pratique, celle à laquelle tu es confrontée au quotidien. Il a toujours conduit vite, très vite, parfois même il a frôlé le pas raisonnable… Mais il ne prend pas de risque, il sait s’adapter aux conditions climatiques, à l’état de la route. En Allemagne, la vitesse sur la 3ème file de l’autoroute est libre. Tu peux rouler à 200 si le cœur t’en dit, pourtant, il n’y a ni plus ni moins de morts sur leurs routes que sur les nôtres, parce qu’ils sont plus disciplinés.

Je n’ai qu’une peur, je pense que cette loi va tuer des gens innocents. Ayant l’appréhension de se faire flasher, certains vont se mettre à rouler à 70, énervant les autres automobilistes bloqués derrière qui vont prendre des risques inconsidérés pour parvenir à les doubler coûte que coûte.
Parce que des gens en retard ou pressés comme le fou qui a croisé mon chemin ce 15 mars 1993, il y en a pleins cachés au plus profond de chacun de nous…
Nous avons tous cette capacité à prendre un jour la mauvaise décision et de jouer notre vie inconsciemment en une fraction de secondes…

 

RETROUVEZ-MOI SUR FB / SUR TWITTER / SUR INSTAGRAM

 

17

Une réflexion sur “ Non, ce n’est pas la vitesse qui tue ”

  • 12 mars 2018 à 22h59
    Permalink

    Une seule rectification, il y a toujours eu moins de morts en Allemagne qu’en France, grâce notamment à des limitations moins absurdes et à l’absence de limitations ailleurs…. ????

    Réponse

Répondre à Pascal PrinceAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.