Les tribulations d’une employée corvéable – Part I les stages

Sortie de l’école en 2003 parmi les bonnes élèves, je n’aurai jamais pensé que ma vie professionnelle puisse être aussi chaotique. D’accord, je fais partie de la génération X de jeunes qui sont arrivés sur le marché du travail avec la CRISE. Cependant, ce mot m’énerve car il permet de formaliser  une situation qui pour moi reste inexplicable. La crise a bon dos pour justifier l’injustifiable. Déjà, durant mes stages en entreprises obligatoires pour obtenir mes diplômes (donnant droit à un statut cadre, ah bon, j’attends toujours), j’avais relevé pas mal de dysfonctionnements dérangeant pour une élève formatée par le système scolaire et idéalisant un peu le monde de l’entreprise.

Premier stage (1997) : archiviste dans l’antre des fonctionnaires (les pures, les vrais)

OK, j’étais encore très jeune (17 ans), mais je pense pouvoir aisément dire que ce stage ne m’a rien apporté sur le plan professionnel, mais en sortant de là, j’étais au moins sûre d’une chose : je serai incapable de travailler toute ma vie dans cet univers fantasmagorique. J’ai passé mes journées à faire des photocopies pour différents services pendant que mes responsables se vernissaient leurs ongles, tout en buvant du thé, tout en se racontant les derniers potins, tout en jetant un œil sur leur magazine préféré (comme quoi, quand on veut, on peut parvenir à faire plusieurs tâches simultanément, dommage que dans le boulot ils ne soient pas aussi efficaces).

♦ Temps de travail quotidien effectif : 20mn
♦ Temps de présence réelle au sein de leur poste : 2h30 maxi
♦ Horaires théoriques : 9h-11h54 (il faut bien 6mn pour arriver à la cantine)/14h06 (il en faut aussi 6 autres pour en revenir)-17h…

Ce qui me faisait encore rigoler, c’est que ces employés étaient sensés pointer avant de se rendre aux toilettes (interdiction de dépasser X minutes quotidienne, donc ils n’étaient stressés que par le temps passé à la pause pipi). Mais une fois au sein de leur bureau, rien n’avançait. Un soir, à 17h05, une pauvre nana encore sur place à une heure aussi déraisonnable m’a fait remarquer que j’aurai DÉJÀ dû m’en aller ! Elle avait l’air paniqué à l’idée que je puisse faire 5 minutes supplémentaires pour finaliser une recherche entreprise sur le web !!!

Premier constat : on peut effectivement être payé à ne rien faire, il suffit de connaitre les bonnes personnes (attention, je ne généralise par pour tous les fonctionnaires, mais ceux-là étaient bien bien bien gratinés). Ces gens ont de la chance d’avoir un poste permanent car sur le marché du travail, ils ne seraient plus exploitables dans une entreprise lambda du secteur privé.

Deuxième stage (2002) : photographe pour une gigantesque société d’aéronautique

Premier jour, méga stress, on était accueilli manu militari, on nous collait tous dans une salle où on nous faisait un speech du style «la 3ème guerre mondiale est à notre porte », « l’espionnage américain qui nous guette », plus bourrage de crâne de consignes de sécurité.
Bon bref, une bonne petite sieste devant un film moralisateur plus tard, on était « livré » à nos services respectifs, et là, force était de constater qu’une tout autre ambiance y régnait : cool, cool, il était 11H34, l’heure sacrée de l’apéro géant très alcoolisé, et au vue du stock c’était parti pour durer quelques heures…
Le téléphone sonnait dans le vide mais lorsque j’en faisais la remarque on me spécifiait bien qu’il ne fallait « oh grand jamais montrer aux collègues sa disponibilité car c’était mauvais pour l’image » ! On devait se faire désirer et ainsi, lorsque l’on répondait, enfin, l’interlocuteur était tellement content de nous avoir au bout du fil qu’il était prêt à vous donner la lune pour une intervention en urgence dans son service… OK, c’était un point de vu, ou plutôt un système pervers leur permettant d’être considéré comme des messies alors que ce n’était qu’une équipe de branleurs.

Un matin, un responsable du service après-vente demanda une intervention en urgence car chaque minute perdue coûtait des millions à la société.
3 personnes assises à attendre que le temps passe, 2 rdvs quotidiens au tableau et là j’entendis la réponse du chef de mon service :
« Ah non, ça ne va pas être possible aujourd’hui, on est blindé de travail ».
Puis, constatant ma tête face à cette réponse déconcertante, il rajouta :
« mais comme c’est toi, je peux te rendre un service, je peux t’envoyer ma stagiaire, mais tu me seras redevable, hein, ne l’oublie pas, on prend sur nous pour t’aider ».
Voilà comment commença ma vie de stagiaire, lâchée dans la jungle industrielle (classée Secret Défense) avec pour seule consigne « démerde-toi », pendant que les responsables étaient attablés à jouer aux cartes devant un apéro gargantuesque. Bon, c’est vrai, au final, c’est formateur. .. Lorsque je revins 3 bonnes heures plus tard de mon intervention, le staff était en train de faire la sieste, oui, la sieste, alors que moi je n’avais pas eu le temps d’aller manger pour réaliser leur job !

Le peu de temps de travail effectif était utilisé à mauvais escient. Je m’explique. Cette grosse société était pleine de véhicules de service utilisés pour parcourir le site s’étendant sur  plusieurs kilomètres. Un service de police interne à l’entreprise verbalisait tous véhicules jugés gênant pour la circulation. Les PV étaient alors adressés au service dont dépendaient leurs propriétaires. Chaque service tenant une comptabilité interne, c‘était donc la course chaque trimestre pour ne pas figurer au palmarès des plus mauvais élèves. Ainsi, tous les employés se mobilisaient  de nombreuses heures au téléphone pour trouver un moyen de faire sauter leurs PV.  C’était plutôt rassurant de constater qu’il y avait au moins un moment où ils faisaient preuve d’efficacité !

Je me souviens encore avec effroi de ma pire expérience professionnelle vécue à cette période.
Chaque WE, le personnel de mon service se servait allégrement dans les placards de l’entreprise en empruntant du matériel afin de travailler au black et d’arrondir leur super salaire (parce que c’était hyper bien rémunéré par rapport au rendement fourni). Enfin bref, un lundi matin, je me retrouvais toute seule au bureau. Personne, désert, nada. La sonnerie du téléphone retentit dans le silence. Ce jour-là, j’aurais dû obéir à la règle ultime régissant le service mais le minimum de conscience professionnelle encore présent en moi m’en empêchait. C’était l’assistante du PDG en personne qui réclamait une intervention l’heure suivante. Je pris note des directives à suivre et commença à préparer mon sac pour l’intervention, sauf qu’en ouvrant le placard à matériel, je me retrouvais devant un espace totalement vide !!! Comment expliquer au PDG, moi, la stagiaire, que mes chefs étaient absents sans motif valables et qu’ils avaient pris avec eux tout le matériel de la société et que par conséquent il m’était impossible de répondre favorablement à leur requête. J’avoue m’être sentie très seule ce jour là, surtout qu’aucun de mes supérieurs ne répondaient sur leurs portables respectifs que je pris soin de faire sonner non-stop dans l’illusion de les voir arriver…

Heureusement, la période des stages prit fin avec l’achèvement de mes études, laissant place alors aux jobs d’été, une toute autre forme d’esclavage moderne.

Job estival (2003) : filmeuse en station balnéaire

Fière de mon nouveau diplôme en poche, je trouvais une place de photographe dans une station balnéaire où résidait ma grand-mère. Par besoin d’argent (et oui, les études, ce n’est pas vraiment rémunérateur), j’acceptais un CDD pas très légal : « je te prends à temps complet, mais je te déclare à temps partiel, tu bosses 7j/7, de 10h jusqu’à 1h du mat, t’as pas de fixe mais un pourcentage sur les ventes »…  Et oui, la jeunesse tout fraîchement diplômée est un vivier intarissable pour les employeurs peu scrupuleux, corvéable à merci pour un salaire minimaliste.

Et puis voilà, c’était l‘année de la canicule et arriva ce qui devait arriver… à se jeter à corps perdu dans une aventure pareille en sortant de 5 années d’études acharnées et éprouvantes tout en étant épuisée, sous un cagnard étouffant… Je tombais malade… Dr =>arrêt maladie, et un retour rapide de la Sécurité Sociale me demandant qui j’étais ? Ben oui, c’est comme ça que je me suis rendue compte que mon employeur avait omis de me déclarer. Une fois remise (bien 3 semaines plus tard tout de même), je retournais régler mes comptes avec lui. Il me tendit alors une enveloppe avec de l’argent en espèce et une partie de chèques douteux reçus de clients en guise de salaire en me signifiant que oui, il n’avait pas eu le temps de me déclarer, mais qu’il compensait ça avec une méga prime de 20€ !!! Voyant mon mécontentement sur mon visage, il prit un ton accusateur en tentant de me culpabiliser en me faisant remarquer qu’à cause de ma maladie, il avait perdu du chiffre d’affaire, et bla et bla et bla…

Verdict, j’étais virée mais priée, tout de même, pour la forme, de rédiger une lettre de démission (ben voyons…).

 

A SUIVRE…

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Trop de règles tuent les règles

Je ressens le besoin de vous faire un petit billet humeur pour partager avec vous mes états d’âme du moment.

J’étouffe, je suis littéralement écrasée par toutes les règles qui régissent notre quotidien. C’est un ressenti profond que j’ai mis longtemps à exprimer. J’ai lu un article d’un mec qui revenait d’un long voyage à l’autre bout du monde et qui expliquait avoir été frappé à son retour par le nombre incalculable de panneaux d’interdiction qui régissent nos vies (interdit de marcher sur les pelouses, de manger où on veut, de circuler comme on veut…). C’est vrai qu’à force de les voir, de les connaitre, on les a intégrées comme une normalité alors qu’il n’en est rien. Même s’il est évident que la vie en société nécessite des règles pour le respect de tous, je pense que trop de règles tuent à petits feux les règlementations.

L’autre jour, j’avais besoin de me changer les idées, je suis descendue faire les soldes en ville. Je suis passée chez H&M voir la deuxième démarque. Je repère deux articles, je vois la queue en cabine, je décide de passer la jupe par dessus mon jean devant le miroir pour voir si ça pouvait convenir. Une vendeuse est venue me signifier que c’était interdit, qu’il fallait obligatoirement se rendre en cabine pour essayer un vêtement. WTF, depuis quand est-ce interdit? Ai-je loupé une étape? Si une vendeuse de ces enseignes passe par là et peut m’expliquer, je suis preneuse. Donc pour avoir le droit de savoir si un vêtement me va, j’ai l’obligation : soit de perdre 30 minutes pour avoir une cabine, soit avoir la foi, payer, essayer chez moi, pour potentiellement retourner le produit, me faire rembourser (tiens, c’est pas ce que je fais déjà quand je commande sur le web? Je me demande bien pourquoi je vais encore en magasin)… J’ai fait le choix de tout reposer et d’économiser du temps & de l’argent.

Je ressens de plus en plus ce malaise dans mon job et je le vis très mal. Je travaille pour une grosse chaine de décoration/ mobilier dont je tairais le nom pour éviter les problèmes. La liste des interdits et des obligations est tellement longue (et absurde) que ça pourrait faire un article à lui seul. Je suis embauchée en CDD comme vendeuse niveau 1 (ça tombe bien, j’étais déjà en niveau 4 il y a 10 ans et en niveau 6 y a 5 ans). Outre l’impression de régresser, l’obligation d’être habillée en noir me donne l’impression d’aller enterrer un proche 5 jours/semaine, ça me plombe le moral. J’ai le besoin viscéral de comprendre à quoi servent les choses qu’on me demande de faire. Je ne saisis pas en quoi être habillée d’une couleur unique m’aidera à mieux vendre un canapé ou une table basse, voire à être plus crédible aux yeux de mes interlocuteurs. D’ailleurs, visiblement, les clients n’ont pas pigé le truc non plus, car malgré ma tenue + mon badge on passe la journée à me demander « vous êtes du magasin?« . Ça m’ennuie à un tel point que je n’avais aucune motivation pour faire les soldes. J’avais acheté des blouses noires avec quelques motifs discrets/broderies (n’ayant toujours pas vu le règlement intérieur, je tâtonne un peu), ma directrice est venue me voir pour me dire que seul l’uni était accepté (alors que je vois mes collègues avec des motifs assez régulièrement). Je l’ai un peu en travers de la gorge mais bon je reste zen. Je me dis qu’il ne me reste plus qu’un mois de CDD à faire. J’ai cru comprendre qu’ils étaient hyper satisfaits de mon travail et qu’ils voulaient me proposer un CDI mais je n’en ai pas envie. Je devrais être ravie, sauter de joie d’avoir cette opportunité dans ce contexte très difficile, surtout que le chômage ce n’est pas ma tasse de thé, mais j’étouffe sous les règles, les obligations, je me sens prisonnière et pour moi la liberté est primordiale. Être contrainte de faire les prix sur du papier jaune le lundi, devoir les refaire sur du papier orange le mardi, puis les refaire le mercredi parce qu’il faut qu’ils soient en A6 et pas en A7, c’est être bête et disciplinée mais c’est extrêmement frustrant de se dire qu’on est en sous-effectif et qu’on ne peut pas renseigner comme il le faudrait les clients à cause du système aberrant mis en place par la direction nationale. C’est annihilant à la longue, on nous apprend à faire les choses machinalement et à ne plus réfléchir.

J’ai besoin de cogiter, de faire des choses concrètes, utiles, d’avoir l’impression d’avancer au fil des jours, plutôt que d’être confrontée aux mythe de Sisyphe (on recommence éternellement ce qu’on a fait la veille, l’avant veille, etc).

Voilà, je vais encore une fois devoir renoncer à une certaine stabilité professionnelle mais au risque d’en choquer certain, je me sens tellement plus libre et utile en CDD. Libre de parler, de dire ce que je veux à qui je veux, quelle que soit sa position hiérarchique, je m’en fous, je ne fais que passer. Tu peux envoyer chier ta manager, on ne va pas te virer pour ça, on a besoin de toi. Je trouve que les salariés sont plus sympas, tu es là pour aider durant une période déterminée, pas pour leur piquer leur place/ avancement. La seule chose compliquée, c’est de pouvoir anticiper les évènements régissant ta vie. Tu ne sais pas où tu seras dans 6 mois, donc impossible de prévoir (WE, congés, c’est compliqué). Oui la liberté a un prix et j’ai hâte de recouvrer la mienne pour effectuer une mission plus en adéquation avec mes envies.

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