Les tribulations d’une employée corvéable – Part III – jonglage entre chômage et responsabilités

Après l’esclavage des stages et mon licenciement plus que musclé en 48h avec le harcèlement moral qui s’en est suivi parce que j’avais eu l’audace de le contester et de me défendre, il manquait à mon CV la quintessence de la précarité : le chômage (en pleine période critique de fusion de l’ANPE avec l’ASSEDIC, sinon, ce n’est pas drôle). Quitte à être confrontée aux méandres du système, autant ne pas le faire qu’à moitié.

Premier entretien chez popole face à une conseillère qui n’avait de cela que le nom.
« Alors, vous désirez faire quoi ? »
Bien ma cocotte, je crois que la question n’est plus d’actualité depuis fort longtemps. Ce que je voudrais faire (on est dans le monde des Bisounours là) :
– «avoir l’extrême chance de me réaliser dans le métier pour lequel j’ai été formée, avoir un poste stable et percevoir un salaire honorable pour le faire ».
Retour sur la planète Terre dans la réalité concrète.
– «trouver un emploi en fonction de mes compétences dernièrement acquises ».
Elle nota, en tapant d’un doigt avec pleins de fautes d’orthographe, me tendit le rapport à signer et c’était fini, je serai bientôt prise en compte dans le nouveau dispositif ARE (super, chanceuse que je suis).

2009 – Création d’un Collectif de photographes

N’étant pas capable de rester plus de trois jours à ne rien faire (ben oui, à force d’être formatée à ne jamais prendre de congés, on finit par paniquer devant trop de temps libre), j’entrepris de me lancer dans une folle aventure me rapprochant de mes compétences de base. Je montai un collectif de photographes travaillant sur un créneau porteur dans notre ville. Le succès fut rapide, l’expérience humaine magnifique mais je compris très rapidement que travailler 60 heures par semaine bénévolement ne remplirait jamais ni mon compte en banque ni mon frigo. Je continuais donc simultanément à chercher un job alimentaire.

2009 – Responsable Showroom design

Puis, enfin, par un beau matin, j’ouvris ma boîte mail et pour une fois, il n’y avait pas que des spams, non, il y avait une demande pour un entretien d’embauche pour un poste de responsable de showroom. Je pense pouvoir dire avec le recul que je me suis rendue au rendez-vous en touriste, étant persuadée que ce poste ne serait pas fait pour moi. Et puis la directrice m’a bien vendu son « bébé » et j’ai accepté, malgré les 4 heures de transport quotidien et le SMIC qui en résultait car on m’avait assuré, chiffres à l’appui, des primes mirobolantes qui le feraient vite oublier.

Une formation aux produits dans le plus prestigieux des magasins de la chaîne, un petit voyage en Italie plus tard invitée par nos principaux fournisseurs, me voilà parachutée dans ma boutique de mobilier design avec une clientèle bien prout-prout. Et là, je compris, je compris de suite que c’était un piège. Passées les premières semaines où je devais continuer à apprendre des centaines de docs techniques sur les produits, à aménager le magasin, à ranger, trier, voilà que la pire des situations se présenta à moi : l’ennui. La fréquentation ne dépassait guère 5 personnes par semaine, et j’étais seule dans un silence assourdissant. Lorsque je fis part de mes remarques pour essayer de relancer l’activité du magasin, je me trouvais face à un mur. Toutes mes propositions étaient traitées par la négative.
Constatant que ma motivation s’envolait, ma directrice me trouva une occupation phénoménale : recopier les pages jaunes dans un fichier Excel, avec pour but ultime de recenser toutes les entreprises du département. Pourquoi faire ? Et bien pour toutes, oui, toutes les appeler pour leur proposer nos services ! Transcendant, mais non seulement nous n’étions pas en mesure d’envoyer par mail au client potentiel démarché un catalogue web référençant nos produits (celui-ci n’existant pas), mais si nous décrochions par miracle un achat et bien la prime revenait de droit au commercial s’occupant du secteur d’activité !!! Alors autant vous dire que le téléphone n’a pas beaucoup servi tant la mission me paraissait inutile…

Je dois reconnaître que ma seule responsabilité était finalement ma propre personne, il fallait téléphoner à la future femme du fils du patron (5 ans de moins que moi) pour tout faire valider, du style « Allo, Bidule, puis-je bouger le canapé orange de 10 cm sur la droite pour mettre un tabouret dans l’angle ? Non, ah tu souhaiterais que je te fasse une photo pour te rendre compte, ok, j’abandonne, bon et bien bonne journée ». Un job passionnant. Pour braver l’ennui avec ma collègue bloquée dans un autre magasin de la chaîne régionale tout aussi fréquenté, nous avions fait un jeu, celle qui arrive à se débarrasser du plus de merde dans le mois offre le café à l’autre. Autant dire que si cela ne nous rapportait rien, au moins, ça faisait du vide et un objet de moins à nettoyer. Je dois avouer que j’étais une vendeuse très convaincante, ainsi j’ai réussi à me débarrasser d’un siège vert kaki horrible, tâché, invendable à seulement 700€, d’un bureau au coloris improbable tombant en miette. Vous pourriez croire que nos patrons étaient contents, et bien non, en plus on se faisait engueuler de vendre car il fallait repasser une commande pour le réassort du showroom…
Quant au salaire mirobolant, la bonne blague, j’aurais pu l’attendre longtemps! Par un beau mois de janvier où les affaires pleuvaient comme par magie et où tous mes gros devis en attente rentraient en commande, j’ai fait un CA miraculeux pour n’obtenir que 13,60€ brut de primes!!! Mon patron a tout de même eu l’audace de m’appeler pour me féliciter. Il m’a demandé si j’étais heureuse et je n’ai pu m’empêcher de répondre : « Youpi, je pourrais me payer au moins 2 bières en Happy Hours« … Il n’avait pas d’humour, il l’a mal pris…

Bref, découragée, j’ai fini par regarder la TV toute la journée et c’est fou de constater qu’ils n’ont jamais été aussi satisfaits de moi qu’à cette période… Au bout de 7 mois d’épuisement mental dit BORE OUT, j’ai négocié mon départ, ne voyant pas d’évolution possible dans mon poste et la perspective de m’assommer devant un écran 7 heures par jours avec 4 heures de transport en commun et 2 heures de pause déjeuner inutiles m’était devenue insupportable.

2010 – Pole emploi

Revisite chez popôle emploi, juste le temps de constater que le système ne s’était guère amélioré. Enfin, cette fois-ci ils avaient tellement la tête sous l’eau que je n’ai eu qu’un seul rendez-vous en 8 mois, à croire que ma conseillère était passée sous un train ou avait avalé la boîte de Lexomil et qu’ils n’avaient pu la remplacer faute d’effectifs… On se sent vite abandonnée et lâchée dans la nature…

Heureusement que mon tempérament de fonceuse a repris le dessus. Je me suis réinvestie à fond dans mon collectif (malgré le fait que je n’ai jamais cessé de le gérer) et nous avons pu répondre à une belle commande pour une entreprise d’État. Celle-ci a duré plus de 4 ans. Je gérais plus de 10 personnes bénévoles sur le terrain répartis sur 25 chantiers, je m’occupais de l’administratif, du community management, des projets d’expos. Bref, passionnant mais toujours pas rémunérateur.

2011 – Store Manager (matériel photographique de luxe)

Au bout de 11 mois de repos forcé, une offre d’emploi tomba du ciel : responsable d’un concept store d’une marque prestigieuse, que rêver de mieux pour mes 31 ans !!! Mais, je ne sais pas pourquoi, sans doute l’instinct, je ne suis jamais parvenue à m’en réjouir, comme si c’était trop beau pour être vrai. Avant de démarrer, je pris le soin de rencontrer mon futur employé autour d’un café. Un mec bien, ça m’a un peu rassuré, surtout face à son enthousiasme…

Premier jour de travail : j’ai vite déchanté. J’appris qu’il n’y avait eu aucune étude de marché (ah si pardon, notre DAF, une flèche je ne sais pas si c’est la peine de le préciser, a tapé « Marseille » dans Google et a vu qu’il y avait presque 1 million d’habitants, il a dit « Bingo », c’est là qu’il faudra s’installer) et hop, un petit loto plus tard, enfin disons plutôt un investissement de 250 K€, nous voilà embauchés ! On nous informât aussi du fait que les salaires annoncés lors de notre embauche ne seraient pas vraiment ceux perçus sur notre fiche de paie, les primes éventuelles étant incluses dans le taux minimum légal, avancées chaque début de mois et déduites du salaire suivant si nous ne parvenions pas à réaliser le CA défini par notre direction. Nous apprîmes aussi par la même occasion que nous allions devoir compter notre stock chaque mois et qu’en cas d’écart (souvent imputable à une mauvaise gestion informatique qu’à un manque physique réel), le prix d’achat du matériel disparu serait automatiquement déduit de nos salaires. Pensez qu’à Paris, il y avait un écart de 22 000 € sur la première année d’exercice, heureusement qu’ils sont trois à éponger la dette !!! Venir travailler pour rembourser son patron, un nouveau concept qui, je suis sûre, pourrait en séduire plus d’un ! « Vous en rêviez, BIP l’a fait », pourrait-on dire…

De plus, la petite équipe paraissait bien trop sympa (= faux-cul) pour qu’il n’y ait pas anguilles sous roche… Tout était réuni pour me faire fuir. Je ne sais pas pourquoi, la curiosité m’a poussé à rester en phase d’observation… Je me disais : « ce n’est pas possible, ce n’est qu’une mauvaise blague, tu vas te réveiller » et chaque semaine de formation passée se révélait pire que la précédente. Tout l’enthousiasme de mon collègue s’était envolé avec nos espoirs respectifs d’être enfin sortis de la merde. Non, en fait nous étions embourbés jusqu’au cou et sans échappatoire possible autre que le licenciement pour revenir en fin de droit chez Pôle Emploi… On s’est dit que lorsque le magasin aurait ouvert, ce serait plus tranquille et que nous devions tenter de survivre en attendant de reconstituer nos droits au chômage…

Nous voilà donc débarqués après un mois de formation dans les pattes, près de 10 000km de déplacement pro, dans une boutique en chantier avec pas moins de quinze ouvriers dans 30m², contraints d’ouvrir aux clients au milieu de la poussière et d’un système informatique constamment en panne, nous empêchant tout bonnement de vendre quoi que ce soit. J’ai été parachutée comme maîtrise d’ouvrage de chantier plus que comme store manager. J’ai dû passer mes journées à résoudre des problèmes insolubles entre l’architecte en colère, les prestataires qui n’avaient pas été payés, l’électricien fantôme, les peintres bâclant leur travail, me retrouvant mise en première ligne par ma hiérarchie et abandonnée de tous à mon triste sort et ce jusqu’à 68 heures par semaine ! Avant cela, je ne me doutais pas que signer un contrat cadre en forfait jour équivalait à signer un pacte avec le Diable. J’avoue avoir frôlée la dépression face à l’ampleur de la tâche qui m’était imputée tant celle-ci semblait irréalisable!
Mon seul réconfort hebdomadaire était la visite de la femme de ménage, jusqu’au jour où, en discutant autour d’un café, je compris qu’elle touchait le même salaire que moi pour 30h/semaine = dépression.

Si ce n’était que ça, mais en plus, mon PDG, ayant visiblement appris les règles de politesse élémentaires dans une pochette surprise, m’envoyait constamment des mails incendiaires concernant notre CA, pas à la hauteur de ses espérances! Hallucinant, après seulement 15 jours d’ouverture, sans aucune communication autre que sur les réseaux sociaux, on s’attendait à ce que nos performances soient mirobolantes ! Le plus comique dans l’histoire c’est que nous devions être très convaincants car il fallait être capable de vendre du matériel sans ne pouvoir donner aucune visibilité aux clients quant au délai de livraison de ce dernier! Du style : « oui, nous pouvons vous commander l’article que nous n’avons pas en stock, ça fera 8500€ à verser de suite pour avoir l’honneur d’être sur une liste d’attente d’un an »… «Et puis, pardonnez-nous mais pour le règlement nous ne prenons pas les chèques, l’espèce est interdit et la CB est en panne. Nous pouvons donc vous proposer de souscrire à un crédit Sofinco». Du jamais vu !

Un samedi, mon responsable régional vint me voir pour m’annoncer que mon collègue était licencié faute de résultat (soit 3 semaines après l’ouverture du magasin encore en travaux). J’ai dû faire le travail de deux personnes, seule, en journée continue sans pause pour déjeuner, comme une vague impression de m’enfoncer dans un labyrinthe sans issue… N’ayant pas pour habitude de me laisser faire (enfin plus après 12 ans d’ancienneté), des échanges de mails virulents commencèrent avec ma direction qui m’envoya, pour m’aider, le meilleur vendeur de France. Après une semaine de travail aux forceps, celui-ci n’était parvenu à vendre qu’un accessoire à 100€ et encore après une heure de négociation ! Cela m’a au moins bien fait rire de constater qu’il ne s’agissait nullement d’un problème de compétence de ma part, mais que le malaise était bien plus profond que cela, l’amour pour une marque ne suffit pas à la faire survivre… Comme par hasard, je n’ai eu aucune remarque de ma hiérarchie concernant le CA de cette semaine là étant donné que j’avais réalisé la seule et unique belle vente de la semaine.

Après quelques semaines d’observation, je pus constater que le PDG avait installé un système de pression archaïque sur les employés « diviser pour mieux régner » qui prônait la délation et le cirage de pompes pour garder sa place. Un peu comme le jeu de la chaise musicale, le dernier à ne pas être assis dans les temps impartis prend la porte. Ce jeu n’était pas fait pour moi. Ma chaise s’est envolée un samedi soir par la remise en main propre d’une lettre stipulant la fin de ma période d’essai qui fut vécue comme une libération, ce qui a stupéfait tous les moutons bien dociles qui constituaient mon équipe.

Je n’ai eu que 15 minutes pour prendre mes affaires et rendre les clés du concept store avec un grand sourire, tout en souhaitant bonne chance à mon responsable régional, quant à lui aux bords des larmes rien qu’à l’idée de devoir prendre ma suite le temps de me trouver un remplaçant. Je lui avais toujours dit que je le trouvais particulièrement zen face à cette organisation merdique et il m’avait avoué qu’il avait cessé de s’alimenter et de dormir en comptant le nombre de jours le séparant de sa retraite… Drôle d’ambition qui ne sera jamais la mienne.

 

A SUIVRE…

 

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Les tribulations d’une employée corvéable – Part II Premiers Jobs

Après la galère des stages obligatoires (non rémunérés) & des jobs d’été relatés (ici) et l’impression d’être une esclave moderne, fin 2003, fraichement diplômée, me voici donc lancée dans la quête du Graal CDI

Fin 2003 : vendeuse déco (Le temps partiel en centre commercial qui craint)

Après plusieurs mois de recherches infructueuses, je dus me rabattre vers la précarité : un CDI oui, mais à temps partiel, de vendeuse déco pour un salaire minimaliste assorti de grosses responsabilités, sans WE ni vacances… Encore, dans mon malheur, l’équipe composant les deux magasins accolés ayant le même patron était très sympa et soudée (tous dans la même galère en gros). Mais là encore, je me rendis vite compte que la situation n’était pas envisageable à long terme. Des cadavres de souris jonchaient le sol des réserves, l’odeur était insoutenable, des fuites d’eau sale provenant de canalisations défectueuses nous coulaient sur la tête par inadvertance (ça m’aura au moins permis de faire renouveler mon vaccin contre le tétanos). Pas de sièges pour se reposer donc contrainte de rester debout parfois 11 heures par jour, WC régulièrement en panne donc obligée de se retenir du matin au soir faute de pouvoir laisser le magasin à l’abandon, des clients prêts à vous taper dessus lorsque vous énoncez ne pas accepter les chèques (consigne reçue : ne pas accepter les chèques des « étrangers », alors que le magasin était situé au cœur des cités les plus coriaces de Marseille, donc il était évident que cela serait notre clientèle principale…).
Ah oui, j’allais oublier les doux souvenirs de braquages de magasins voisins où on voyait des types munis de kalaches passer en courant devant notre boutique, et le défilé de policiers tout le reste de la journée analysant les douilles de balles laissées sur place, au moins ça brise la monotonie, mais  l’idée de mourir pour deux tiers de SMIC après 5 années d’études supérieures me laissait dubitative…

J’ai tenu 3 ans et demi (mon record), tous les employés ayant démissionné les uns derrière les autres, j’étais la dernière, et toujours pas de perspective de temps complet à l’avenir par soucis d’économie.
Par une belle journée où je m’ennuyais plus que les autres, je lus d’une traite le seul bouquin disponible : la convention collective. Ce fut une révélation. C’est à ce moment là que j’ai compris l’ampleur de l’exploitation à laquelle j’étais soumise depuis plusieurs années. Je me décidais à me faire entendre et à entamer des négociations, notamment afin de mettre à jour mon contrat de travail pour être reconnue comme adjointe de magasin et non comme vendeuse sous qualifiée. Quelques semaines de chantage plus tard et 0,13€ centimes brut de l’heure en plus sur ma fiche de paie, je me résolus à donner ma démission moi aussi… Et le magasin tira le rideau quelques temps après mon départ.

 

2007, enfin le GRAAL : Assistante commerciale RH en SSII

Via mon réseau, j’obtins miraculeusement un vrai CDI, à temps complet, avec un salaire au dessus du SMIC, une mutuelle, des tickets resto, soit un emploi normal, tout de même presque 5 ans après être rentrée dans la vie active (comme quoi, ça se mérite). Par contre, c’était dans un domaine qui m’était inconnu. Je bossais seule, sous la direction de responsables régionaux, à 620 km de mon PDG, et je n’ai reçu aucune formation (maintenant, je suis une pro du système D, dommage que cela ne puisse pas figurer dans mon CV). Je me suis autoformée au poste (mal défini en plus). En gros, je devais m’occuper de la gestion commerciale, administrative et logistique de 3 agences de province, ainsi que du pôle RH (recherche de candidats potentiels, gestion du personnel)…

Je pus me rendre compte rapidement que les promotions parisiennes étaient bien plus fulgurantes qu’en province. En effet, à mon arrivée la standardiste qui n’était dans l’entreprise que depuis 4 mois venait d’accepter le poste d’assistante de direction et s’apprêtait à recruter une personne pour la remplacer au standard. La sélection fut réalisée de manière très pertinente, je pus entendre malgré moi les propos tenus par le directeur commercial argumentant son choix « t’a vu un peu la paire d’obus ». Très classe, très pro. Il avait effectivement dû s’arrêter là concernant l’étude de sa candidature car pour le reste, la réflexion n’était pas vraiment son fort. Elle était, comment dire, nature (brave comme on dit dans le sud)… Ils se rendirent d’ailleurs rapidement à l’évidence qu’elle ne correspondait pas du tout au poste, alors ils lui ont offert une formation… OK, le souci, c’est que pendant ce temps là, il fallait la remplacer. De plus, à son retour, elle était toujours aussi nulle. Soit, donc ils lui ont proposé une promotion : assistante du directeur commercial. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour garder dans ses effectives une blonde à forte poitrine ! Elle n’était plus la vitrine de la société, mais cachée dans un bureau à faire des bêtises toute la journée et il ne fallait pas moins l’intervention de 3 personnes pour réparer ses erreurs quotidiennes. Pendant ce temps, la nouvelle assistante de direction s’était octroyée le titre ronflant de DRH… Fulgurantes les promotions je vous disais.

Il y a eu le bon temps, celui où les affaires coulaient à flots et où l’argent était dilapidé négligemment :

♦ Nouvelle voiture de fonction pour big boss (Maserati haut de gamme) avec laquelle il s’amusait à faire la course avec les commerciaux (en Laguna de fonction) sur les périphériques parisiens. Le but : celui qui se ferait le plus flashé dans le mois. C’est drôle hein! D’autant plus que le plus souvent, ils étaient fortement alcoolisés! Y a un Bon Dieu, ils n’ont heureusement jamais tué personne…
♦ Nouveau Mac pour le PDG, ah zut ce n’est pas compatible avec les Blackberry, qu’à cela ne tienne on passe à l’iPhone. Comment ça on ne peut pas pour une seule personne, et bien mrd, l’iPhone c’est plus premium que le Blackberry d’abord, donc on va changer toute la flotte de téléphone. Comment ça il faut aussi changer la flotte de PC qu’on vient juste d’acheter ainsi que le serveur?

Voilà comment des petits caprices de notre PDG, plus soucieux d’avoir un montre *BIP* à son poignet avant ses 50 balais que de la santé financière de son entreprise, sont venus à bout d’une société ayant les reins solides avec plus de 250 personnes. Et j’en passe entre les soirées à 10 000€ pour émerveiller clients et collaborateurs, l’agrandissement des locaux tout juste achetés, les séminaires fortement alcoolisés à l’étranger, l’installation d’une pompe à bière dans les bureaux… Il arrive forcément un moment où la coupe déborde et où il faut rectifier le tir, et bien sûr, qui en paie le prix fort à chaque fois : les salariés!!!
On a commencé à me dire qu’avec la CRISE, il faudrait licencier sous un motif quelconque les employés en CDI alors en inter-contrat (entre deux missions, jugés les moins rentables), si possible en commençant par les plus âgés (les plus chers).

Arrivât le mois d’octobre 2008, par un beau lundi matin de conf call, j’appris que tout était beau dans le meilleur des mondes. La société avait réalisé un CA mirobolant, le CE disposait de 30 000€ d’excédent qui serviraient à organiser des fêtes gargantuesques en province d’ici la fin de l’année, une nouvelle agence allait émerger au Maroc… Que demander de plus ? On pourrait presque en venir à parler d’augmentation…

C’était sans compter sur la visite impromptue du PDG 4 jours plus tard. En gros, je vais résumer et aller droit au but tel qu’ils l’ont fait : « on t’apprécie mais on n’a plus les moyens de te garder donc tu es priée de plier bagages et ça prend effet immédiatement. Inutile de revenir demain car de toute manière tu ne seras pas payée ».
Après avoir signifié que j’avais assisté à la réunion commerciale et que je savais qu’on se foutait ouvertement de ma gueule , il y eut un blanc que le PDG comblât en criant :
« Bon ok, je veux changer de voiture de fonction pour le modèle supérieur et la différence de tarif entre les deux correspond à ton salaire annuel et comme au quotidien ma voiture m’est plus utile que toi, alors tu dégages, pigé, et si t’es pas contente on fera en sorte de te trouver une faute ENORMEEEE qui fera que tu ne pourras même pas toucher ton chômage et tu crèveras la gueule ouverte!!! »

Voilà comment on est remerciée de 2 ans de bons et loyaux services par un PDG n’ayant même pas légalement le droit de l’être en France car condamné par la justice… Mais bon, quand on connait le président de la République de l’époque, ça autorise tout et surtout n’importe quoi…

 Et oui, un CDI à temps plein, ça ne pouvait pas être qu’un rêve accessible, encore fallait-il parvenir à garder sa place.

 

A SUIVRE…

 

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Les tribulations d’une employée corvéable – Part I les stages

Sortie de l’école en 2003 parmi les bonnes élèves, je n’aurai jamais pensé que ma vie professionnelle puisse être aussi chaotique. D’accord, je fais partie de la génération X de jeunes qui sont arrivés sur le marché du travail avec la CRISE. Cependant, ce mot m’énerve car il permet de formaliser  une situation qui pour moi reste inexplicable. La crise a bon dos pour justifier l’injustifiable. Déjà, durant mes stages en entreprises obligatoires pour obtenir mes diplômes (donnant droit à un statut cadre, ah bon, j’attends toujours), j’avais relevé pas mal de dysfonctionnements dérangeant pour une élève formatée par le système scolaire et idéalisant un peu le monde de l’entreprise.

Premier stage (1997) : archiviste dans l’antre des fonctionnaires (les pures, les vrais)

OK, j’étais encore très jeune (17 ans), mais je pense pouvoir aisément dire que ce stage ne m’a rien apporté sur le plan professionnel, mais en sortant de là, j’étais au moins sûre d’une chose : je serai incapable de travailler toute ma vie dans cet univers fantasmagorique. J’ai passé mes journées à faire des photocopies pour différents services pendant que mes responsables se vernissaient leurs ongles, tout en buvant du thé, tout en se racontant les derniers potins, tout en jetant un œil sur leur magazine préféré (comme quoi, quand on veut, on peut parvenir à faire plusieurs tâches simultanément, dommage que dans le boulot ils ne soient pas aussi efficaces).

♦ Temps de travail quotidien effectif : 20mn
♦ Temps de présence réelle au sein de leur poste : 2h30 maxi
♦ Horaires théoriques : 9h-11h54 (il faut bien 6mn pour arriver à la cantine)/14h06 (il en faut aussi 6 autres pour en revenir)-17h…

Ce qui me faisait encore rigoler, c’est que ces employés étaient sensés pointer avant de se rendre aux toilettes (interdiction de dépasser X minutes quotidienne, donc ils n’étaient stressés que par le temps passé à la pause pipi). Mais une fois au sein de leur bureau, rien n’avançait. Un soir, à 17h05, une pauvre nana encore sur place à une heure aussi déraisonnable m’a fait remarquer que j’aurai DÉJÀ dû m’en aller ! Elle avait l’air paniqué à l’idée que je puisse faire 5 minutes supplémentaires pour finaliser une recherche entreprise sur le web !!!

Premier constat : on peut effectivement être payé à ne rien faire, il suffit de connaitre les bonnes personnes (attention, je ne généralise par pour tous les fonctionnaires, mais ceux-là étaient bien bien bien gratinés). Ces gens ont de la chance d’avoir un poste permanent car sur le marché du travail, ils ne seraient plus exploitables dans une entreprise lambda du secteur privé.

Deuxième stage (2002) : photographe pour une gigantesque société d’aéronautique

Premier jour, méga stress, on était accueilli manu militari, on nous collait tous dans une salle où on nous faisait un speech du style «la 3ème guerre mondiale est à notre porte », « l’espionnage américain qui nous guette », plus bourrage de crâne de consignes de sécurité.
Bon bref, une bonne petite sieste devant un film moralisateur plus tard, on était « livré » à nos services respectifs, et là, force était de constater qu’une tout autre ambiance y régnait : cool, cool, il était 11H34, l’heure sacrée de l’apéro géant très alcoolisé, et au vue du stock c’était parti pour durer quelques heures…
Le téléphone sonnait dans le vide mais lorsque j’en faisais la remarque on me spécifiait bien qu’il ne fallait « oh grand jamais montrer aux collègues sa disponibilité car c’était mauvais pour l’image » ! On devait se faire désirer et ainsi, lorsque l’on répondait, enfin, l’interlocuteur était tellement content de nous avoir au bout du fil qu’il était prêt à vous donner la lune pour une intervention en urgence dans son service… OK, c’était un point de vu, ou plutôt un système pervers leur permettant d’être considéré comme des messies alors que ce n’était qu’une équipe de branleurs.

Un matin, un responsable du service après-vente demanda une intervention en urgence car chaque minute perdue coûtait des millions à la société.
3 personnes assises à attendre que le temps passe, 2 rdvs quotidiens au tableau et là j’entendis la réponse du chef de mon service :
« Ah non, ça ne va pas être possible aujourd’hui, on est blindé de travail ».
Puis, constatant ma tête face à cette réponse déconcertante, il rajouta :
« mais comme c’est toi, je peux te rendre un service, je peux t’envoyer ma stagiaire, mais tu me seras redevable, hein, ne l’oublie pas, on prend sur nous pour t’aider ».
Voilà comment commença ma vie de stagiaire, lâchée dans la jungle industrielle (classée Secret Défense) avec pour seule consigne « démerde-toi », pendant que les responsables étaient attablés à jouer aux cartes devant un apéro gargantuesque. Bon, c’est vrai, au final, c’est formateur. .. Lorsque je revins 3 bonnes heures plus tard de mon intervention, le staff était en train de faire la sieste, oui, la sieste, alors que moi je n’avais pas eu le temps d’aller manger pour réaliser leur job !

Le peu de temps de travail effectif était utilisé à mauvais escient. Je m’explique. Cette grosse société était pleine de véhicules de service utilisés pour parcourir le site s’étendant sur  plusieurs kilomètres. Un service de police interne à l’entreprise verbalisait tous véhicules jugés gênant pour la circulation. Les PV étaient alors adressés au service dont dépendaient leurs propriétaires. Chaque service tenant une comptabilité interne, c‘était donc la course chaque trimestre pour ne pas figurer au palmarès des plus mauvais élèves. Ainsi, tous les employés se mobilisaient  de nombreuses heures au téléphone pour trouver un moyen de faire sauter leurs PV.  C’était plutôt rassurant de constater qu’il y avait au moins un moment où ils faisaient preuve d’efficacité !

Je me souviens encore avec effroi de ma pire expérience professionnelle vécue à cette période.
Chaque WE, le personnel de mon service se servait allégrement dans les placards de l’entreprise en empruntant du matériel afin de travailler au black et d’arrondir leur super salaire (parce que c’était hyper bien rémunéré par rapport au rendement fourni). Enfin bref, un lundi matin, je me retrouvais toute seule au bureau. Personne, désert, nada. La sonnerie du téléphone retentit dans le silence. Ce jour-là, j’aurais dû obéir à la règle ultime régissant le service mais le minimum de conscience professionnelle encore présent en moi m’en empêchait. C’était l’assistante du PDG en personne qui réclamait une intervention l’heure suivante. Je pris note des directives à suivre et commença à préparer mon sac pour l’intervention, sauf qu’en ouvrant le placard à matériel, je me retrouvais devant un espace totalement vide !!! Comment expliquer au PDG, moi, la stagiaire, que mes chefs étaient absents sans motif valables et qu’ils avaient pris avec eux tout le matériel de la société et que par conséquent il m’était impossible de répondre favorablement à leur requête. J’avoue m’être sentie très seule ce jour là, surtout qu’aucun de mes supérieurs ne répondaient sur leurs portables respectifs que je pris soin de faire sonner non-stop dans l’illusion de les voir arriver…

Heureusement, la période des stages prit fin avec l’achèvement de mes études, laissant place alors aux jobs d’été, une toute autre forme d’esclavage moderne.

Job estival (2003) : filmeuse en station balnéaire

Fière de mon nouveau diplôme en poche, je trouvais une place de photographe dans une station balnéaire où résidait ma grand-mère. Par besoin d’argent (et oui, les études, ce n’est pas vraiment rémunérateur), j’acceptais un CDD pas très légal : « je te prends à temps complet, mais je te déclare à temps partiel, tu bosses 7j/7, de 10h jusqu’à 1h du mat, t’as pas de fixe mais un pourcentage sur les ventes »…  Et oui, la jeunesse tout fraîchement diplômée est un vivier intarissable pour les employeurs peu scrupuleux, corvéable à merci pour un salaire minimaliste.

Et puis voilà, c’était l‘année de la canicule et arriva ce qui devait arriver… à se jeter à corps perdu dans une aventure pareille en sortant de 5 années d’études acharnées et éprouvantes tout en étant épuisée, sous un cagnard étouffant… Je tombais malade… Dr =>arrêt maladie, et un retour rapide de la Sécurité Sociale me demandant qui j’étais ? Ben oui, c’est comme ça que je me suis rendue compte que mon employeur avait omis de me déclarer. Une fois remise (bien 3 semaines plus tard tout de même), je retournais régler mes comptes avec lui. Il me tendit alors une enveloppe avec de l’argent en espèce et une partie de chèques douteux reçus de clients en guise de salaire en me signifiant que oui, il n’avait pas eu le temps de me déclarer, mais qu’il compensait ça avec une méga prime de 20€ !!! Voyant mon mécontentement sur mon visage, il prit un ton accusateur en tentant de me culpabiliser en me faisant remarquer qu’à cause de ma maladie, il avait perdu du chiffre d’affaire, et bla et bla et bla…

Verdict, j’étais virée mais priée, tout de même, pour la forme, de rédiger une lettre de démission (ben voyons…).

 

A SUIVRE…

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